samedi 2 juin 2012

'Cosmopolis': Ma Conférence de Presse avec David Cronenberg / My Press Conference with David Cronenberg




30 mai 2012
C’est dans un grand hôtel parisien que je suis conviée avec une dizaine d’autres blogs consacrés au cinéma à rencontrer le grand David Cronenberg. Nous sommes introduits dans un petit salon confortable et moderne, puis installés de manière assez intimiste autour du canapé qui va accueillir le réalisateur. Pendant trente minutes nous allons tour à tour lui poser nos questions sur le film qui nous réunis tous : « Cosmopolis ».

Comment s’est-il vu proposé le projet « Cosmopolis ». Ce roman dit inadaptable ?
C’est le producteur Paul Branco qui lui a parlé de ce projet un jour à Toronto. Qu’il aimerait beaucoup que ce soit lui qui l’adapte au cinéma. Il connaissait déjà quelques romans de Don Delillo mais pas « Cosmopolis ». Il l’a lu d’une traite. Il a tout de suite aimé les dialogues. Il les a trouvés très cinématographiques. Il a immédiatement imaginé des acteurs en train de les dire. Il le voyait déjà dans sa tête. Sans hésiter il a dit oui au projet juste après avoir terminé le livre.

Pourquoi avoir choisi Robert Pattinson dans le rôle d’Eric Packer ?
« Pourquoi pas ? » répond t-il en riant ! Et oui pourquoi pas en fait ! C’est une bonne réponse. Comme c’était un film produit par des français et des canadiens, il était difficile d’avoir un acteur américain. Le seul américain du film est Paul Giamatti. Il a donc cherché un acteur qui pouvait convenir à l’âge d’Eric dans le livre, qui pouvait prendre facilement l’accent américain, qui ne soit pas américain et qui puisse incarner le charismatique Mr Packer. Il a très vite pensé à Rob qui réunissait toutes les qualités requises pour ce rôle. Il avait 25 ans lors du tournage et il était anglais. Il a regardé « Little Ashes » et « Twilight » pour se faire une idée du jeu de Rob. Et il était sûr de tenir son personnage principal ! Et grâce à sa popularité, comme celle de Viggo Mortensen après « Le Seigneur des Anneaux », il était possible de monter un budget sur son nom. Ce sont toutes les choses auxquelles un réalisateur doit penser. 

Est-ce que « Cosmopolis » pourrait être une continuité logique à « History of violence », en tant que « History of Capitalism » ?
Non. « Évidemment, il y a un propos sur le capitalisme dans « Cosmopolis ». Je ne sais pas si je rapprocherai le film d' « A History of Violence » mais vous être libre de le faire. » Quand il fait un film il ne pense jamais à ses films précédents. Il n’y aucune connexion. Il ne regarde pas en arrière. Certains cinéastes aiment avoir une ligne directrice dans leur filmographie mais ce n’est pas son cas. Il n’y a aucun schéma directeur dans tous ses films.

 


Vous avez déclaré que l'essence du cinéma c'est filmer un acteur en train de parler. Est-ce que ça voudrait dire que « Cosmopolis » est votre film le plus cinématographique ?
« Bien sûr! J'ai dit cela parce qu'à la fin du film il y a une scène de dialogues de 22 minutes entre deux personnages. » On lui dit souvent qu’il y a quelque chose de théâtral dans son film. Il n’est pas d’accord. « Ce n'est pas le cas, c'est cinématographique. Il n'y a pas de planches, de scène, nous faisons des gros plans, il y a des mouvements de caméra. » 

Dans le film, la limousine ressemble à un vaisseau spatial. La quasi absence de son donne un aspect de science-fiction à cette histoire. Et le personnage semble sorti de son humanité pour revenir se crasher sur terre avec sa limousine.
Eric a crée son propre univers dans sa limousine. Il invite les autres à venir dans son espace. Que ce soit pour le sexe, pour travailler ou simplement pour discuter. Il expérimente le monde à travers sa limousine. C’est ce que David a voulu filmer : que le spectateur voit tout du point de vue d’Eric, de l’intérieur de la limousine. Et en effet elle peut être vu comme un vaisseau spatial, un sous-marin, une prison ou encore un cercueil. Eric est reclus dans son espace. Le technicien son était ennuyé qu’il n’y ait pas le bruit des roues de la voiture, de son moteur et de l'extérieur. Mais c’est ce que voulait David. Couper Eric de l’énergie extérieure de la ville, comme le couper de toute humanité.

Dans le film on voit le poster de « A Dangerous Method ». Pourquoi ?
C'est un choix de son chef décorateur pas de lui. Il ne l'avait pas remarqué au début.

Vous filmez la déchéance d’un personnage, est-ce pour exprimer la destruction du corps ?
Eric est obsédé par son corps comme on peut le voir dans le film. Par exemple l’examen médical qu’il s’impose quotidiennement. Mais il est déconnecté du monde, il parle de son corps comme si ce n’était pas le sien. En fait il transcende son propre corps sans le savoir. C’est une forme de suicide, un suicide du corps et de l'esprit. « C’est plus une déconnexion du corps que la destruction du corps » nous dit David.

Dans le générique du début vous filmez un tableau et vous finissez le film par un autre. Qu’est ce que ça signifie pour vous ?
Eric Paker s'intéresse à l'art moderne et on suppose qu'il est collectionneur d’art américain. Quand il dit vouloir acheter la chapelle Rothko, en fait c’est la sérénité qu’elle représente qu’il veut acheter. Une sérénité qu'il n'a pas lui même. C’est pour ça qu’il la veut. Pour acquérir la sérénité il veut l’acheter, car c’est comme ça qu’il fonctionne. Il ne sait faire qu'acheter. C'est une clé intéressante pour comprendre le personnage d’Eric. C'est pour ça que David a choisi de filmer du Pollock au début du film afin de traduire un état d'esprit frénétique et dissipé. Puis le film tend vers la sérénité d’esprit à la fin, avec les peintures épurées de Rothko.

Vous faites dernièrement du cinéma avec beaucoup de dialogues. Le dialogue est-il un virus lui-même ?
Il s’intéresse aux dialogues depuis toujours. C’est impossible pour un scénariste d'ignorer les dialogues. Et en effet il y a beaucoup de dialogues dans « Cosmopolis » et « A Dangerous Method » mais ce n'est pas nouveau dans son travail. C’était aussi le cas pour « Le Festin Nu » et « Faux-semblants ». Pour lui les dialogues sont essentiels, ils font partie intégrante du travail d’un scénariste. Il ne travaille pas sur un concept abstrait pour construire quelque chose. Les acteurs ne peuvent pas travailler en termes conceptuels. Les concepts sont intéressants dans les discussions mais inutiles pour préparer un film. Les dialogues eux sont réels et utiles pour le développement des personnages et la mise en scène. 

Vous avez choisi de tourner « Cosmopolis » de manière chronologique ce qui est assez rare dans le cinéma actuel. Vous travaillez comme ça pour tous vos films ou juste pour celui-ci ?
C'est assez difficile normalement de filmer de manière chronologique car les locations ne sont pas toujours disponibles quand on en a besoin. Ou les décors par prêts au bon moment. Il y a des lieux dans lesquels on ne peut tourner que certains jours par exemple, quand ils sont fermés au public. Pour « Cosmopolis » ça a été possible de filmer dans la continuité et il a aimé ça. Car il y avait beaucoup de tournage en studio. Et c'est évidement mieux pour les acteurs aussi. Car ils peuvent construire leur rôle au fur et à mesure. Vivre l'évolution de l’état d’esprit de leur personnage. C'est le film qu’il tourné le plus de manière chronologique dans toute sa filmographie.

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