30 mai 2012
C’est dans un grand hôtel parisien que je suis
conviée avec une dizaine d’autres blogs consacrés au cinéma à rencontrer
le grand David Cronenberg. Nous sommes introduits dans un petit salon
confortable et moderne, puis installés de manière assez intimiste autour
du canapé qui va accueillir le réalisateur. Pendant trente minutes nous
allons tour à tour lui poser nos questions sur le film qui nous réunis
tous : « Cosmopolis ».
Comment s’est-il vu proposé le projet « Cosmopolis ». Ce roman dit inadaptable ?
Comment s’est-il vu proposé le projet « Cosmopolis ». Ce roman dit inadaptable ?
C’est
le producteur Paul Branco qui lui a parlé de ce projet un jour à
Toronto. Qu’il aimerait beaucoup que ce soit lui qui l’adapte au cinéma.
Il connaissait déjà quelques romans de Don Delillo mais pas «
Cosmopolis ». Il l’a lu d’une traite. Il a tout de suite aimé les
dialogues. Il les a trouvés très cinématographiques. Il a immédiatement
imaginé des acteurs en train de les dire. Il le voyait déjà dans sa
tête. Sans hésiter il a dit oui au projet juste après avoir terminé le
livre.
Pourquoi avoir choisi Robert Pattinson dans le rôle d’Eric Packer ?
«
Pourquoi pas ? » répond t-il en riant ! Et oui pourquoi pas en fait !
C’est une bonne réponse. Comme c’était un film produit par des français
et des canadiens, il était difficile d’avoir un acteur américain. Le
seul américain du film est Paul Giamatti. Il a donc cherché un acteur
qui pouvait convenir à l’âge d’Eric dans le livre, qui pouvait prendre
facilement l’accent américain, qui ne soit pas américain et qui puisse
incarner le charismatique Mr Packer. Il a très vite pensé à Rob qui
réunissait toutes les qualités requises pour ce rôle. Il avait 25 ans
lors du tournage et il était anglais. Il a regardé « Little Ashes » et «
Twilight » pour se faire une idée du jeu de Rob. Et il était sûr de
tenir son personnage principal ! Et grâce à sa popularité, comme celle
de Viggo Mortensen après « Le Seigneur des Anneaux », il était possible
de monter un budget sur son nom. Ce sont toutes les choses auxquelles un
réalisateur doit penser.
Est-ce
que « Cosmopolis » pourrait être une continuité logique à « History of
violence », en tant que « History of Capitalism » ?
Non. «
Évidemment, il y a un propos sur le capitalisme dans « Cosmopolis ». Je
ne sais pas si je rapprocherai le film d' « A History of Violence » mais
vous être libre de le faire. » Quand il fait un film il ne pense jamais
à ses films précédents. Il n’y aucune connexion. Il ne regarde pas en
arrière. Certains cinéastes aiment avoir une ligne directrice dans leur
filmographie mais ce n’est pas son cas. Il n’y a aucun schéma directeur
dans tous ses films.
Vous avez
déclaré que l'essence du cinéma c'est filmer un acteur en train de
parler. Est-ce que ça voudrait dire que « Cosmopolis » est votre film le
plus cinématographique ?
« Bien sûr! J'ai dit cela parce
qu'à la fin du film il y a une scène de dialogues de 22 minutes entre
deux personnages. » On lui dit souvent qu’il y a quelque chose de
théâtral dans son film. Il n’est pas d’accord. « Ce n'est pas le cas,
c'est cinématographique. Il n'y a pas de planches, de scène, nous
faisons des gros plans, il y a des mouvements de caméra. »
Dans le film, la limousine ressemble
à un vaisseau spatial. La quasi absence de son donne un aspect de
science-fiction à cette histoire. Et le personnage semble sorti de son
humanité pour revenir se crasher sur terre avec sa limousine.
Eric
a crée son propre univers dans sa limousine. Il invite les autres à
venir dans son espace. Que ce soit pour le sexe, pour travailler ou
simplement pour discuter. Il expérimente le monde à travers sa
limousine. C’est ce que David a voulu filmer : que le spectateur voit
tout du point de vue d’Eric, de l’intérieur de la limousine. Et en effet
elle peut être vu comme un vaisseau spatial, un sous-marin, une prison
ou encore un cercueil. Eric est reclus dans son espace. Le technicien
son était ennuyé qu’il n’y ait pas le bruit des roues de la voiture, de
son moteur et de l'extérieur. Mais c’est ce que voulait David. Couper
Eric de l’énergie extérieure de la ville, comme le couper de toute
humanité.
Dans le film on voit le poster de « A Dangerous Method ». Pourquoi ?
C'est un choix de son chef décorateur pas de lui. Il ne l'avait pas remarqué au début.
Vous filmez la déchéance d’un personnage, est-ce pour exprimer la destruction du corps ?
Vous filmez la déchéance d’un personnage, est-ce pour exprimer la destruction du corps ?
Eric
est obsédé par son corps comme on peut le voir dans le film. Par
exemple l’examen médical qu’il s’impose quotidiennement. Mais il est
déconnecté du monde, il parle de son corps comme si ce n’était pas le
sien. En fait il transcende son propre corps sans le savoir. C’est une
forme de suicide, un suicide du corps et de l'esprit. « C’est plus une
déconnexion du corps que la destruction du corps » nous dit David.
Dans le générique du début vous filmez un tableau et vous finissez le film par un autre. Qu’est ce que ça signifie pour vous ?
Eric
Paker s'intéresse à l'art moderne et on suppose qu'il est
collectionneur d’art américain. Quand il dit vouloir acheter la chapelle
Rothko, en fait c’est la sérénité qu’elle représente qu’il veut
acheter. Une sérénité qu'il n'a pas lui même. C’est pour ça qu’il la
veut. Pour acquérir la sérénité il veut l’acheter, car c’est comme ça
qu’il fonctionne. Il ne sait faire qu'acheter. C'est une clé
intéressante pour comprendre le personnage d’Eric. C'est pour ça que
David a choisi de filmer du Pollock au début du film afin de traduire un
état d'esprit frénétique et dissipé. Puis le film tend vers la sérénité
d’esprit à la fin, avec les peintures épurées de Rothko.
Vous faites dernièrement du cinéma avec beaucoup de dialogues. Le dialogue est-il un virus lui-même ?
Il
s’intéresse aux dialogues depuis toujours. C’est impossible pour un
scénariste d'ignorer les dialogues. Et en effet il y a beaucoup de
dialogues dans « Cosmopolis » et « A Dangerous Method » mais ce n'est
pas nouveau dans son travail. C’était aussi le cas pour « Le Festin Nu »
et « Faux-semblants ». Pour lui les dialogues sont essentiels, ils font
partie intégrante du travail d’un scénariste. Il ne travaille pas sur
un concept abstrait pour construire quelque chose. Les acteurs ne
peuvent pas travailler en termes conceptuels. Les concepts sont
intéressants dans les discussions mais inutiles pour préparer un film.
Les dialogues eux sont réels et utiles pour le développement des
personnages et la mise en scène.
Vous
avez choisi de tourner « Cosmopolis » de manière chronologique ce qui
est assez rare dans le cinéma actuel. Vous travaillez comme ça pour tous
vos films ou juste pour celui-ci ?
C'est assez difficile
normalement de filmer de manière chronologique car les locations ne sont
pas toujours disponibles quand on en a besoin. Ou les décors par prêts
au bon moment. Il y a des lieux dans lesquels on ne peut tourner que
certains jours par exemple, quand ils sont fermés au public. Pour «
Cosmopolis » ça a été possible de filmer dans la continuité et il a aimé
ça. Car il y avait beaucoup de tournage en studio. Et c'est évidement
mieux pour les acteurs aussi. Car ils peuvent construire leur rôle au
fur et à mesure. Vivre l'évolution de l’état d’esprit de leur
personnage. C'est le film qu’il tourné le plus de manière chronologique
dans toute sa filmographie.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
N'hésitez pas à discuter et interagir sur les news. Laissez ici vos commentaires, et avec votre prénom ou pseudo c'est encore mieux pour que nous sachions qui vous êtes ;)
Les messages de pub ainsi que les propos grossiers ou insultants seront supprimés. Merci
-------------------------------------------------------------------------------------------------------
Feel free to discuss and interact about the news. Leave your comments here, with your name or alias it's even better so we know who you are ;)
Ads as well as rude or offensive comments will be removed. Thank you
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.